_____________________
Deux traits
caractérisent l’administration de l’Assemblée nationale: l’autonomie des
autorités politiques de l’Assemblée en matière de détermination du statut du
personnel et d’organisation des services d’un côté ; de l’autre, la
personnalisation de l’aide apportée aux députés par les fonctionnaires dans le
respect d’une neutralité politique absolue.
1.
L’autonomie de gestion administrative de l’Assemblée nationale
Elle
résulte du Règlement de l’Assemblée (*) et de l’ordonnance 58-1100 du 17
novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (**) .
1.1. Les autorités compétentes en matière
d’administration de l’Assemblée sont le Bureau (a. 14, 17 et 18 du Règlement,
a. 8 de l’ordonnance), le Président (a. 13 du Règlement, a. 3 de l’ordonnance)
et les Questeurs (a. 15 du Règlement):
–
Le
Président veille à la sécurité intérieure et extérieure de l’Assemblée, et
préside le Bureau.
–
Le
Bureau organise et dirige les services, et détermine le statut du personnel.
–
Les
Questeurs, sous la direction du Bureau, sont chargés des services
administratifs et financiers et sont seuls habilités à engager les dépenses
nouvelles.
L’autonomie
dont jouissent ces autorités en matière administrative a pour fondement
théorique le principe de séparation des pouvoirs, affirmé avec constance en
droit constitutionnel français depuis Montesquieu.
Elle peut
s’exercer dans la pratique, dans la mesure où elle s’appuie sur une autonomie
financière législativement consacrée (art. 7 de l’ordonnance) et constamment
respectée.
1.2. Organisation des services
La liberté
pour une Assemblée d’organiser ses propres services paraît aller de soi et ne
pas présenter un caractère original. A l’Assemblée, les décisions du Bureau en
la matière sont regroupées dans le « Règlement intérieur sur
l’organisation des services portant statut du personnel ».
On note
néanmoins à ce propos une particularité de notre organisation
administrative : son bicéphalisme. Celui-ci résulte des pouvoirs
administratifs et financiers spécifiquement attribués par l’article 15 du
Règlement de l’Assemblée nationale aux Questeurs.
En
conséquence, l’article 2 du Règlement intérieur sur l’organisation des services
portant statut du personnel de l’Assemblée nationale consacre la distinction
entre services législatifs et services administratifs : le Secrétaire
général de l’Assemblée et de la Présidence, assisté d’un Directeur général des
services législatifs, dirige les services législatifs, les centralise auprès du
Président, et il est responsable auprès de lui de leur bonne marche ; le
Secrétaire général de la Questure, assisté d’un Directeur général des services
administratifs, exerce un rôle symétrique pour les services administratifs
vis-à-vis des Questeurs. Cette dichotomie a été atténuée à partir de 1994 où
sont apparus des services « communs », relevant des deux Secrétaires
Généraux, qui en sont responsables conjointement devant le Président et les
Questeurs (Protocole – Archives – Informatique). Elle reste néanmoins un
élément structurant de la gestion administrative.
1.3. Statut du personnel
L’autonomie
du Bureau est également affirmée en matière du statut du personnel. Elle
s’étend au régime de sécurité sociale et de retraite des fonctionnaires.
En effet,
bien qu’en 1983, les fonctionnaires des assemblées parlementaires se soient vu
reconnaître la qualité de fonctionnaires de l’Etat, recrutés par concours, le
Bureau reste la seule autorité compétente pour déterminer leur statut. En
conséquence de quoi, les lois réglementant la fonction publique de l’Etat ne
sont pas applicables de plein droit au personnel de l’Assemblée. En conséquence
de quoi aussi, les services de l’Assemblée sont exclusivement assurés par un
personnel propre, recruté et nommé dans les conditions déterminées par le
Bureau. Le Bureau de l’Assemblée a ainsi toute latitude pour créer des emplois,
procéder à des recrutements - pourvu que ce soit par concours pour les emplois permanents,
et organiser la carrière et la rémunération de ses fonctionnaires.
Mais, de
fait, le statut des fonctionnaires de l’Assemblée nationale s’inspire largement
du statut général des fonctionnaires : la gestion des fonctionnaires par
corps, les principes de rémunération, d’avancement, l’organisation des
concours, etc… sont décalqués de ceux de la Fonction
publique, même si la spécificité de l’institution et la taille réduite de
l’administration justifient quelques aménagements, par exemple en matière de
durée de travail.
La liberté
d’action du Bureau n’est d’ailleurs pas totale, dans la mesure où elle est
encadrée par deux dispositions d’inégale portée.
La première
est la nécessité de consulter les organisations syndicales représentatives avant
tout modification de l’organisation des services ou du statut du personnel. Il
s’agit là d’une obligation de procédure, le Bureau restant souverain pour
statuer sur le fond, contre l’avis des syndicats.
Plus
contraignant est le droit de recours devant la juridiction administrative
reconnu aux fonctionnaires parlementaires. Certes, ce droit est limité aux
litiges individuels. Certes, le juge ne peut se prononcer au regard des
dispositions législatives ou réglementaires applicables aux autres fonctionnaires,
mais doit le faire au regard seulement des principes généraux du droit et des
garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires. Cependant, d’une part le
juge, par le biais de l’exception d’illégalité, s’est reconnu, de façon
prétorienne, le droit de se prononcer sur la légalité des règles édictées par
le Bureau. D’autre part, le critère de jugement, bien que limitatif, est
d’application relativement large.
On assiste
ainsi à un déplacement insensible du fléau de la balance, du plateau de l’autonomie
parlementaire vers le plateau de la garantie des droits des fonctionnaires.
2.
Le principe de neutralité politique
La règle
d’airain de la fonction parlementaire française est la neutralité. L’objectif
est de garantir, à chaque nouvelle législature, quelle que soit la composition
de l’Assemblée, un service performant car permanent.
Cela
implique du côté des fonctionnaires, qu’ils servent une institution politique,
les organes politiques qui la composent, les hommes politiques qui en font
partie sans considération politique aucune.
Cela
implique, du côté des autorités politiques, que si elles fixent les règles de
recrutement et de carrière des fonctionnaires parlementaires, elles
n’interviennent pas dans leur gestion. Les règles en vigueur à l’Assemblée sont
à cet égard très strictes.
Ÿ En matière de recrutement :
Les jurys
de concours sont composés exclusivement de fonctionnaires et de membres
extérieurs choisis par l’administration. Les Questeurs, lorsqu’ils arrêtent la
liste des candidats reçus à un concours, ne peuvent la modifier. Les candidats
sont nommés dans l’ordre de leur rang de réussite au concours.
Ÿ En matière de gestion :
Les
avancements ont lieu après inscription sur un tableau d’avancement annuel,
établi par un comité d’avancement paritaire composé pour moitié de
représentants de l’administration et pour moitié de représentants du personnel.
Les listes d’avancement et de classement ainsi établies sont rendues
définitives par arrêté du Président et des Questeurs, qui ne peuvent les modifier.
Seuls les
Secrétaires généraux, les Directeurs généraux et les Directeurs sont nommés sur
décision du Bureau, sans inscription préalable à un tableau d’avancement.
Les
affectations résultent d’arrêtés du Président et des Questeurs, sur proposition
des Secrétaires généraux, dont le Président et les Questeurs ne peuvent
s’écarter.
C’est cette
règle de non-intervention des autorités politiques dans la carrière des
fonctionnaires qui a permis sans doute le développement d’un soutien, toujours plus
accru et plus personnalisé, des fonctionnaires aux députés.
Pour ce qui
concerne le travail législatif et du contrôle de l’Assemblée, l’administration
a d’abord essentiellement diligenté des procédures et fourni aux députés les
moyens de travailler (Bibliothèque). Mais elle a su répondre aussi à la demande
croissante d’assistance technique des députés, tant dans leur travail
législatif, que dans leurs compétences européennes et que, désormais de plus en
plus, dans leurs fonctions de contrôle.